Fidèles à la tradition, la Dame à la licorne et sa suivante n’affichent qu’un seul désir : celui de Le servir.

«Dans ce monde qui se dessèche, si nous ne voulons pas mourir de soif, il nous faudra devenir source »  Christiane Singer

Le besoin de servir

On se met souvent en chemin pour soi, que ce soit par soif de connaissance, de réponses aux grandes questions du sens de l’existence ou parce que, nostalgiques de la Lumière, nous sommes en quête de bien-être et de félicité. Puis il arrive un moment où l’on ressent profondément le besoin de servir. Il devient difficile de continuellement demander sans jamais redonner. La Dame, toutes ces années m’a beaucoup apporté. C’est pourquoi, à mon tour, je me suis mise en quête de l’honorer. J’ai longtemps cherché comment la servir et, le moment venu, l’acte à poser s’est naturellement imposé. Alors j’ai pris la plume et me suis replongée des mois durant sur mon passé comme dans tout l’enseignement dont je disposais. Telle une alchimiste, j’ai également appelé et prié pour me faire guider et transmettre à mon tour, sans trahir, ce qui m’a été donné. Les Mystères doivent rester cachés mais, en ces temps difficiles, la Dame a laissé, d’elle même, le voile s’entrouvrir. C’est pourquoi à mon tour j’ai tenté d’apporter des clefs sur ce qui, dans son enseignement si vivant, m’a parlé intérieurement. Libre à chacun de faire l’expérience de la Vérité à laquelle elle tente de nous initier.

Un seul désir

monseuldesir
La Dame à la licorne, A mon seul désir (détail), vers 1500

Jusqu’à présent la Dame n’avait pas encore affiché clairement ses intentions. Dans cette dernière tapisserie, le voile s’est levé et chacun est amené à méditer sur sa devise, qui siège, royale, au sommet de la tente. Tissée en lettres d’or, au centre de la scène, elle nous enseigne sur l’engagement sacré que la Dame a librement accepté.

Au XVème et XVIème siècles, la devise est très en vogue dans l’aristocratie et la noblesse. Constituée d’une courte sentence et d’une figure, cet emblème témoigne du caractère personnel de celui qui le choisit et l’arbore, contrairement à l’armoirie qui ne traduit que l’appartenance à une lignée. Elle exprime l’idéal de vie qu’il tente d’accomplir. D’après la brochure du musée de Cluny, il existe plusieurs interprétations de la devise ‘’A. Mon seul désir. I’’, la dernière lettre n’étant pas clairement identifiée. Pour certains le A et le I seraient des initiales ; celles de deux fiancés ou époux affichant leur promesse mutuelle. D’autres y voient l’engagement moral pris par la Dame : son renoncement aux sens pour ne vivre que du sixième, celui du cœur. Mais la Dame est courtoise et, pour les fidèles d’amour, le I désigne Dieu, premier et principe de toutes choses. Une autre interprétation alors se dessine. En s’unissant sous la tente de l’Esprit, elle a librement accepté son sacerdoce : servir le Un. Au sens de l’Eglise, elle a été consacrée. Elle s’est, comme dans l’Evangile de Pierre, bâti maison spirituelle pour une sainte prêtrise.

Fidélité à la tradition 

FideliteàlatraditionV2
La Dame à la licorne, A mon seul désir (détails), vers 1500

La Dame fait don de ses joyaux à sa suivante qui les reçoit avec joie dans le coffre qu’elle lui tend. Cette fois, la demoiselle porte une tunique rouge et se voit couronnée par une mèche en forme de flamme. Ces deux signes du feu de l’Esprit témoignent qu’elle est maintenant prête à le recevoir. Fidèle à la tradition, elle se tient à la gauche de la Dame ; c’est donc symboliquement par le cœur qu’elle accueille le trésor. Elle s’engage, comme toutes celles qui l’ont précédée, à le protéger et le transmettre à son tour. Contrairement au singe qui continue de ramper, le bichon occupe une place centrale dans la scène. Siégeant près de la Dame, du côté droit – celui de l’action, il nous fixe du regard. Symbole de fidélité, il nous met en garde. Qui aspire à l’Esprit doit le servir. Licorne et lion – cœur et raison renouvelés, soutiennent son action.

Dans la plupart des traditions, le sens de toute pratique spirituelle demeure le service à Dieu. Celui qui aspire à le recevoir doit, à un moment donné, tout abandonner pour tout renouveler. Comme Jésus-Christ le rappelle à ses disciples dans plusieurs Evangiles, « celui qui perdra sa vie à cause de moi, la trouvera ». En œuvrant sans cesse à sa propre libération, il accède à l’Esprit puis vit en lui. Alors, il comprend vraiment comment le servir et agit sans plus douter ni se préoccuper du résultat de ses actes. Il sert, simplement.