La Dame à la licorne dépose son trésor dans un coffre sacré. Il se présente comme le lieu d’une révélation de la Vérité. La Dame nous invite à la contempler et nous dévoile des clefs.

« C’est la Vérité qui libère, et non les efforts qu’on fait pour être libre » Krishnamurti – Ojai, Californie, 1946

La connaissance et l’amour qui libèrent

Si l’on apprend avec l’âge à mieux se connaître, il nous faut également admettre que nous sommes souvent mus par des forces qui nous poussent à agir, ‘’malgré nous‘’. Quoi que nous fassions, nous restons les jouets de nos pensées et de nos émotions. Ce qui génère souvent, lorsque nous en prenons conscience, une grande souffrance. Un combat intérieur débute alors pour tenter de devenir l’être idéal dont l’image nous anime. Mais face à la puissance des forces qui nous emprisonnent, cette lutte incessante nous mène, souvent, à l’épuisement. Celui qui suit un chemin d’éveil apprend à se connaître mais plus il avance, plus il mesure de même, la difficulté d’affronter le poids du passé dont il a hérité. S’il croit en la réincarnation, il sait que son karma – la somme de toutes les actions de vies passées – le hante et fait de lui la personne qu’il est et qui agit dans cette vie. Il réalise qu’il subit les influences d’un karma personnel, familial, voire du pays qui l’a vu naître. Dès lors, comment s’en libérer ? Ce dont je peux aujourd’hui témoigner, après bien des années passées à me combattre, c’est que si un chemin d’éveil nous révèle toujours davantage notre nature profonde et véritable, il nous conduit aussi à l’accepter. Comprenant que ma seule volonté ne pourrait me libérer, j’ai cessé un jour de me juger. En acceptant de m’en remettre vraiment à plus grand que moi-même, j’ai ouvert mon cœur à une force d’amour qui pénètre et dissout lentement tout le poids du passé. Elle m’a amenée à lâcher et agir, tout autrement. Même si je me laisse toujours attraper par certains désirs ou des peurs qui parvenaient hier encore à m’emprisonner, j’en suis à présent rarement longtemps le jouet.

Le coffre au trésor

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La Dame à la licorne, A mon seul désir (détail), vers 1500

La Dame, à chaque épreuve de son chemin, s’est vue dotée de bijoux, riches et variés. Arrivée au terme de son voyage, sortant de la tente, elle dépose à présent son trésor dans un coffre, gardé par sa suivante. Elle accomplit un geste éminemment symbolique. On dépose généralement dans un coffre des biens précieux – matériels ou spirituels, devant être gardés secret et protégés. A son époque, il contient la dote de la femme : son seul héritage, les biens qu’elle offre lors de son mariage. Dans un sens symbolique, fermé, le coffre devient un tabernacle contenant des objets sacrés tel, dans la Bible, l’Arche d’alliance abritant les tables de la loi remise par Dieu à Moïse. Ouvert, il est alors lieu de révélation de la Vérité. Généralement, seul celui qui en possède la clef est digne d’y accéder. En revanche, celui qui tente de l’ouvrir sans y être appelé se trouve aveuglé par ce qu’il ne peut contempler.

Au Moyen Age, les femmes portent des joyaux en fonction de leurs vertus, connues de tous. On pense que la lumière céleste s’y cache et qu’ils sont porteurs d’une connaissance. La Dame, tout au long de son voyage, en a fait, elle aussi, bon usage. Les bijoux, véritables pierres de Lumière, lui ont éclairé le chemin. Ils lui ont révélé, par leur variété, différentes facettes de la Vérité, lui permettant d’avancer. Trésors façonnés par l’expérience des anciennes qui l’ont précédée, ils lui ont été légués pour l’aider. Nous présentant son coffre ouvert, la Dame les offre donc à son tour à toutes celles qui, après elle, mèneront la quête.

Les clefs du trésor sacré

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La Dame à la licorne, A mon seul désir (détail), vers 1500

Dans cette tapisserie, tout se dévoile. L’étoffe et le coffre contenant les bijoux, comme la tente entrouverte ou la robe relevée de la Dame à la licorne, laissent apparaître ce qui jusqu’ici demeurait caché. La démarche herméneutique consiste à dévoiler ce qui est recouvert dans un jeu incessant du clos et de l’ouvert. Disciple d’Hermès, la Dame nous offre donc ici des clefs pour comprendre la nature du trésor sacré. Telles les miniatures de son époque élaborées dans le moindre détail pour percevoir le Savoir véritable, ou plus tard le Mutus liber, un très célèbre traité d’Alchimie entièrement en images, les tapisseries peuvent se lire comme un ‘’guide pratique’’. Enseignement initiatique, il propose, à celui qui opère avec la Lumière à sa transformation, d’accéder à la libération. Mais, comme la Dame au fil des épreuves en a fait l’expérience, seul celui qui en possède les clefs, sera jugé digne de recevoir le trésor sacré. Françoise Bonardel dans La Voie hermétique nous explique que l’hermétisme occidental s’entend comme une doctrine de salut gnostique et une voie de transmutation alchimique. Dans la gnose hermétique, la délivrance s’opère par deux clefs : la connaissance et l’amour. Non pas une connaissance raisonnée, mais révélée. Non pas un amour tel que nous le connaissons, mais un amour universel – une force divine qui se déverse au plus profond de notre être et le libère. Le christianisme, de même, fait de l’amour une clef d’accès au Salut. Paul, dans la première Epître aux Corinthiens, le définit ainsi : « il est patient, il est plein de bonté ; il n’est pas envieux, il ne se vante point, il ne s’enfle point d’orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite point, ne soupçonne pas le mal, ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ; il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout » !