La Dame Maître-oiseaux

La Dame à la licorne est Maître-oiseaux. A l’écoute de ce que l’animal lui révèle, elle peut poursuivre sa quête.

 « L’Esprit et le corps ont besoin pour s’unir d’une âme forte, précieuse, noble (…) elle les affermit, les maintient ensemble et les défend naturellement de tous les dangers » Basile Valentin – Les 12 clefs de la Philosophie

Vivre selon l’âme

J’avais beaucoup goûté à la vie, ne me refusant aucun plaisir, aucun désir. Mais m’étant mise en quête de servir l’âme, j’œuvrais à présent à la purifier. Au fil du temps, lisant, priant, tentant de poser des actes en accord avec ce à quoi j’aspirais, mon âme s’apaisa et m’emplit souvent d’une profonde joie. En observant, je devins de plus en plus consciente des forces contradictoires qui m’habitaient comme de celles qui m’entouraient. Cela m’aida à comprendre et à m’accepter, sans me juger. Mais, ce faisant, le non sens de mes choix de vie m’apparut plus clairement lui aussi. Evoluant entre deux mondes, tentant de trouver un fragile équilibre entre être et paraître, il arriva un moment où cela ne fut plus possible. N’acceptant plus de me sentir prisonnière d’une vie qui ne me ressemblait pas, me refusant à continuer de faire semblant, je franchis un pas. Abandonnant ma carrière prospère pour me dédier toute entière à ma quête, je sautai dans le vide sans savoir ce qui m’y attendrait. Suivant ma voix intérieure, j’avais vaincu mes peurs. J’entrai dans une nouvelle phase d’épreuves.

La Dame, Maître-oiseaux

Un oiseau se tient librement perché sur la main gantée de la Dame. En nourrissant chaque jour avec patience et amour l’animal, elle l’a apprivoisé. Studieuse, elle écoute ce qu’il lui révèle. La Dame est Maître-oiseaux : celle qui comprend la langue des oiseaux. Au Moyen Age, également appelé langue verte – comme le perroquet qui en use dans cette scène – ce langage codé à sens multiples est utilisé par les alchimistes et les disciples d’Hermès. Pour Fulcanelli, célèbre alchimiste, elle serait la langue « qui enseigne le mystère des choses et dévoile les vérités cachées ». Sans la connaître, on ne pourrait accéder au sens véritable des textes hermétiques.

L’oiseau à la perle – symbole de l’âme éveillée à la Sagesse – révèlerait donc à la Dame les secrets de l’univers, la parole du Verbe. La barrière de roses blanches derrière elle en atteste. Depuis l’Antiquité, cette fleur suggère les mystères de l’initiation. Pour les alchimistes, elle est l’emblème de la Pierre Philosophale comme de celui qui a réalisé le Grand œuvre. Elle demeure un symbole de régénération, de résurrection et d’immortalité. On peut en déduire que la scène qui se déroule ici fait figure d’allégorie. Après l’œuvre au noir qui l’a amené à se purifier, la Dame opère l’œuvre au blanc afin de fortifier sa toute jeune âme purifiée. Le cœur des roses rougit. Elle l’a prépare à l’œuvre au rouge ; la rencontre avec le feu de l’Esprit.

Le fidèle bichon                

Le bichon, petit chien aux pieds de la Dame à la licorne, symbolise la fidélité. Souvent présent sur les portraits de nobles dames, il nous rappelle ici que la persévérance est une vertu nécessaire à toute quête. L’initiation n’est pas un processus facile ; elle s’accompagne d’un combat intérieur qui place sans relâche l’homme face à ses désirs et ses peurs. La tradition alchimique enseigne que seule une purification toujours plus grande permet d’atteindre le ciel, puis de l’incarner sur terre. C’est pourquoi l’alchimiste, fidèle à l’œuvre, recommence sans cesse les mêmes opérations – jusqu’à l’élévation. L’univers courtois de la Dame nous le rappelle, de même. L’amour courtois – le fin’ amor – repose sur la persévérance qui seule permet à l’amour parfait, pur et inaltérable, détaché de l’avidité des sens, d’éclore. Celui qui suit cette voie doit passer lui aussi, avant de pouvoir y prétendre, par une série d’épreuves et d’états intérieurs qui l’amènent progressivement à se purifier et à comprendre la nature de l’Amour véritable.