La Dame à la licorne se place dans le triangle du feu. Son âme est prête à voir vraiment.

 « Avant que l’âme puisse voir, il faut avoir obtenu l’harmonie intérieure et rendu les yeux de chair aveugles à toute illusion » Helena Blavatsky – La voix du silence

Du temps de la nécessaire purification

Il y a maintenant plus de vingt ans, j’ai reconnu ma voie et m’y suis engagée. L’idée de vivre selon l’âme pour en revenir à Dieu m’habitait. J’avais si longtemps cherché comment le faire que lorsqu’elle me fut présentée, elle me sembla, telle une évidence, claire et facile d’accès. Emplie d’enthousiasme et de certitudes, je m’y jetai toute entière sans savoir vraiment ce qui m’y attendait. Mais, chemin faisant, je compris rapidement que la route qui mène au sommet s’avère, le plus souvent, longue et périlleuse. Suite continuelle de moments d’élévation et de retombées, lorsque la réalité de notre existence se heurte à l’idéalité à laquelle nous aspirons, ce voyage réduit en poussière toutes nos illusions. Il nous replace cycliquement devant les mêmes situations pour nous permettre de comprendre et de lâcher chaque fois davantage. Même s’il m’arrive encore souvent de désespérer, j’ai appris à l’accepter car à chaque fois que je doute vraiment, la présence de mon guide se fait toujours ressentir. Alors son enseignement devient vivant : il m’apporte un éclairage sur ce que je vis ou la vie m’aide à comprendre ce qu’il me dit. Rien ne sert de forcer, rien ne sert de lutter. Si l’on aspire sans répit à servir l’âme, la lumière nécessaire pour comprendre et passer les épreuves nous est toujours apportée. Ainsi notre âme s’élève, malgré tout, malgré nous.

Pour voir vraiment

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La vue, La Dame à la licorne, vers 1500

La composition de la scène a changé. Sur son île circulaire, la Dame œuvre cette fois, non plus dans le carré dessiné par les arbres, mais au milieu d’un triangle formé par ses deux fidèles compagnons, la licorne et le lion.

Ces formes nous décrivent symboliquement comment elle parvient à voir vraiment. Dans l’art médiéval, la composition d’une image prend souvent appui sur des formes géométriques élémentaires chargées d’une symbolique sacrée. Pour les chrétiens le cercle représente la perfection originelle et la divinité. Le triangle ascendant est le signe de la Trinité – Père, Fils et Esprit-Saint ; les ésotéristes le nomment triangle de feu. On peut donc comprendre qu’à partir du carré – symbole du monde connu, l’âme, grâce aux forces du triangle, peut parvenir jusqu’au cercle – monde de l’inconnu et de l’invisible. La Dame, pour revenir à Dieu, a donc pris place dans un champ de forces d’une autre nature ; celui du feu. A l’image de la pyramide, prenant appui sur le carré de construction de son temple intérieur, elle élève son âme dans le triangle jusqu’au soleil de l’Esprit.

Le miroir sphérique nous apporte une autre indication. En alchimie, l’œuvre est souvent appelée rota (roue). On la présente comme circulaire, le cercle incarnant le cycle. Le processus, non linéaire, se déroule par phases qui se réitèrent, les effets d’un seul cycle ne permettant pas d’atteindre un état permanent. Chaque cycle purifie l’âme un peu plus profondément et la voie, au départ incertaine, s’affirme progressivement. La forme du miroir rappelle donc à celui qui aspire qu’il faut du temps pour espérer voir vraiment.

La Dame en paix

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Atalante Fugitive, emblème XXI, M. Maier, 1618

La Dame a déjà passé bien des épreuves mais ici, elle semble apaiser. Seule, le regard songeur, elle s’est assise calmement un moment. Son âme est prête à voir vraiment.

Dans le processus de purification et de transformation alchimique, celui qui aspire n’est jamais laissé seul sur son chemin. La tradition hermétique enseigne que si l’âme, pour s’élever, doit affronter les tortionnaires de la prison de ses sens, elle reçoit également des forces pour y parvenir. Ainsi, selon Hermès, la connaissance de Dieu repousse l’ignorance ; la joie que nous procure la foi fait fuir le chagrin et la souffrance ; l’humilité chasse le manque de mesure ; la maîtrise de soi s’oppose à la convoitise ; l’honnêteté repousse l’injustice ; la bonté lutte contre l’avarice ; l’amour ouvre à la Vérité qui, une fois révélée, fait disparaître toute fausseté, toute jalousie, toute méchanceté. Celui qui, chaque jour, aspire et sert l’âme en faisant acte de dévotion parvient peu à peu à la purifier. Elle accède alors à une autre dimension ; elle voit vraiment. La Dame, dans cette scène, en témoigne.