La Dame à la licorne fixe l’Orient. Proclamant son pur désir, elle entame un dialogue intérieur avec celui qui tout au long de l’histoire la guidera sur son chemin.

« Oh Lumière des lumières en laquelle j’ai foi. Ne m’abandonne pas dans les ténèbres jusqu’à la fin de mes jours. Secours-moi par tes mystères ; prête moi l’oreille et délivre moi » Valentin – Pistis Sophia

Parler avec Dieu

A 7 ans, je fus placée dans une école catholique. Plus que les principes de la foi que l’on m’y enseigna, c’est sa petite chapelle qui me transforma. J’aimais y rester seule, en dehors des offices. Le parfum de l’encens, la lumière douce et tamisée, le silence… tout sollicitait mes sens en m’invitant à entrer en moi-même. Dans ce lieu, je me plaisais à prier Dieu, à le louer – même si je n’obtenais jamais de réponse. Pourtant, c’est bien là qu’un jour de grand désarroi, une petite voix intérieure se fit entendre pour la première fois. Elle m’apaisa et m’éclaira. Dès lors, je décidais de m’adresser librement à Dieu comme à un ami – bientôt mon meilleur ami. Dans le silence, à l’écoute de cette voix, j’acquis peu à peu la certitude intérieure de sa présence. Dieu était là ; non pas en dehors de moi, mais caché au plus profond de moi.

L’appel du cœur

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Le toucher (détail), La Dame à la licorne, vers 1500

Jamais la Dame ne nous regarde. Tournée vers un monde mystérieux invisible à nos yeux, elle semble en discussion.

Au Moyen Age, ce geste, comme toute chose, doit pouvoir s’interpréter dans un sens sacré. Pour les chrétiens, se tourner vers Dieu, avant d’être parole, est d’abord appel. Aspirer signifie porter ses désirs vers le divin ; appeler pour quelque chose – pour celui que l’on appelle, pour un tiers ou pour soi-même. On parle à Dieu pour l’adorer, le remercier, lui demander pardon et obtenir ses grâces. La prière est un acte de foi. La Dame, fidèle à cette tradition, semble ici s’adresser à son Seigneur. Enthousiaste, elle se présente à lui en plantant fermement sa bannière au centre de la scène. Selon les codes de l’héraldique, elle y affiche ses aspirations. Ses cheveux détachés, sans coiffe – ce que seule une jeune fille peut à cette époque porter – nous indiquent que son désir d’engagement est le choix d’un cœur pur, accompli librement.

La Dame fixant l’Orient

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La naissance de Vénus (détail), Sandro Boticelli, 1485- wikimedia commons (domaine public)

La Dame s’est souvenue de sa patrie originelle et s’oriente à présent vers l’Orient, c’est-à-dire, en termes symboliques, vers la lumière naissante. Elle cherche la Sagesse, la connaissance véritable et directe que Dieu seul révèle.

Toute quête de la Lumière débute ainsi. Recevoir la connaissance est toujours, pour celui qui cherche, le point de départ et le but de l’histoire. Mais pour accéder à l’altérité, il faut d’abord entrer en soi-même car c’est dans le silence intérieur que naît la possibilité de la rencontre. Seule sur son île, portée par son désir et sa pureté, la Dame aspire à éveiller Pymandre, la ‘’pensée divine’’ dont nous parle Hermès Trismégiste dans le Corpus Hermeticum. Il ne se manifeste qu’à la personne prête à le recevoir. Ainsi s’engage donc son dialogue intérieur avec celui qui lui révèle la Parole de son Seigneur et qui la guidera à travers ses épreuves. La Dame possède à présent les deux conditions nécessaires pour entrer dans l’œuvre alchimique : l’enthousiasme – au sens grec originel, la présence d’un dieu en elle – et la réflexion pour avancer avec raison.