La Dame à la licorne se présente telle une vaillante preuse. Portée par sa foi, elle se lance dans sa noble quête.

« Faites tous vos efforts pour joindre à votre foi, la vertu ; à la vertu, la connaissance ; à la connaissance, la maîtrise de soi ; à la maîtrise de soi, la persévérance ; à la persévérance, la piété ; à la piété, l’amour fraternel ; à l’amour fraternel, l’Amour» 2ème Lettre de Pierre

Face à ma foi

Toute mon enfance fut bercée par Dieu. Dès le moment où j’appris à le connaître et à lui parler, il ne me quitta plus. Sa voix me guidait, me consolait et je pensais qu’avec lui rien ne pourrait jamais m’arriver. Mais à 18 ans, un événement mit brutalement fin à mon innocence. Un jour, en rentrant du lycée, j’appris que ma mère avait été emmenée d’urgence à l’hôpital. Elle n’en sortit jamais. La mort venait de s’inviter dans ma vie, par surprise. A son contact, les mois passant, je fis l’expérience de toute une série d’émotions qui questionnèrent et ébranlèrent profondément ma foi. Ne pouvant comprendre pourquoi Dieu m’avait enlevé celle que j’adorais, je m’en pris violemment à lui. L’Eglise m’avait menti : Dieu n’était ni juste, ni bon. Je décidai alors d’oublier le monde qu’il m’avait fait connaître pour me consacrer à cette vie. J’avais entendu son appel mais, n’étant pas encore prête, je me détournai de lui. Il me fallut dix ans d’errance avant de pouvoir le retrouver et bien des années encore pour commencer à comprendre la nature de la foi véritable.

La Dame preuse

damepreuse
Le toucher (détail), vers 1500, La Dame à la licorne

La Dame se présente telle une héroïne faisant preuve de qualités chevaleresques. Ses robes et ses parures nous indiquent qu’elle est de noble lignée. A son époque, seuls la noblesse et le clergé peuvent porter de tels vêtements aux couleurs franches et saturées car ces couleurs produisant de l’éclat attestent, selon l’historien Michel Pastoureau, de la relation élevée que celui qui les portent entretient avec la lumière divine. De même, son blason – l’attribut essentiel de tout chevalier – nous témoigne de ses vertus et de son désir de servir plus grand que soi. La noblesse de la Dame est celle du cœur, celle de l’âme. Elle a foi en sa voie. La bannière en main, elle s’engage, telle une vaillante preuse, dans une quête longue et périlleuse.

Le thème de la chevalerie est très en vogue au Moyen Age. A cette époque, elle est bien plus qu’un ordre militaire. L’organisation compte des sages, héritiers des enseignements des écoles pythagoricienne et platonicienne, qui établissent les valeurs morales et spirituelles de l’ordre, que chacun se doit de respecter et de servir. La voie chevaleresque s’entend comme une quête de la Lumière et le Preux comme la figure du chevalier qui, menant son combat contre les ténèbres, a gagné une victoire sur lui-même et atteint un certain degré de réalisation spirituelle. Si la figure comme les exploits du preux chevalier inspirent les artistes dès le XIème siècle, il faut attendre le livre de Jehan Le Fèvre à la fin du XIVème siècle pour voir apparaître un modèle de chevalerie au féminin. A travers les récits épiques de 9 reines et amazones de l’Antiquité, l’auteur impose l’image de la preuse. A une époque où la femme se doit d’être soumise à l’Eglise romaine et à son foyer, ce modèle de femme héroïque, libre et engagée rencontre un vif succès.

L’expérience de la foi

Neufpreuses
Les 9 preuses (détails), Maître del Castello della Manta, XVème siècle – wikimedia commons (domaine public)

Si la Dame, dans l’isolement de son île, peut sereinement toucher la corne de la licorne et passer l’épreuve de vérité, c’est parce que, telle une vaillante preuse, elle a déjà mené un long combat intérieur. Elle ne connaît plus le doute. Sa foi la porte et la met en joie.

La foi chrétienne, pour beaucoup, est aujourd’hui synonyme de croyances ; de l’acceptation d’une religion dont le Credo et les Ecritures définissent les préceptes. Mais pour les premiers chrétiens, la foi ne se définit pas par l’acceptation ou la confession d’un enseignement ; elle est libre possession intérieure du divin. La foi véritable n’est pas question de croire mais, comme la Dame, de faire l’expérience intérieure de Dieu. C’est une grâce accordée à celle ou celui dont l’âme est prête à la recevoir. Ce n’est que lorsque l’Homme commence à percevoir l’illusion de ses croyances que quelque chose de réel peut s’éveiller et illuminer progressivement tout son être. Lorsqu’une foi authentique en Dieu prend naissance, plus aucun doute ne persiste ; l’Homme en est complètement transformé. Il sait qui il est vraiment et quelle est sa destinée. C’est pourquoi, comme l’apôtre Pierre le rappelle, la foi demeure la condition première à toute quête.