Quatre arbres sur l’île forment un carré. Liens entre l’ici-bas et l’au-delà, ils sont les piliers du sanctuaire sacré dans lequel la Dame à la licorne va œuvrer.

« Les arbres sont des sanctuaires, celui qui sait leur parler, les écouter, apprendra la vérité » Herman Hesse

La forêt bienveillante

Enfant, j’aimais me promener en forêt. J’y passais, chaque week-end, des heures entières à observer, au fil des saisons, le cycle de la vie. J’écoutais les bruits, humais les parfums délicats, ramassais et goûtais ce qu’elle m’offrait. En son sein, tous mes sens, si peu sollicités en ville durant la semaine, s’éveillaient de nouveau. La forêt m’accueillait, m’enseignait et je m’y trouvais toujours bien. Un jour, il m’arriva, sans savoir pourquoi, de prendre un arbre majestueux dans mes bras. Je sentis alors un flot d’énergie m’envahir. Il circula en moi, me libérant de mes peines. L’arbre m’avait donné de sa force ; il m’avait guérie. L’espace d’un instant, je fis l’expérience d’un champ de forces dont je n’avais jamais, jusqu’alors, soupçonné l’existence. Je me sentis en harmonie, ne faisant qu’une avec lui et l’univers. Une fois encore, par la nature, j’accédai à la connaissance – non comme idée mais comme expérience.

Les quatre arbres, un temple sacré

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Le toucher, La Dame à la licorne, vers 1500

La Dame, elle aussi, œuvre dans et avec la nature. Quatre arbres se dressent au centre de la scène. On peut y voir un oranger, un pin, du houx et un chêne.

Au Moyen Age, la plupart des gens vivent à la campagne. La nature, source d’inspiration, est donc omniprésente dans l’art. A cette époque, la religion chrétienne imprègne la vie quotidienne et culturelle. La nature s’entend, de même, dans un sens sacré. Créée par Dieu, elle possède la faculté de nous enseigner sur le Créateur.

Les quatre arbres dessinent un carré au milieu de l’île circulaire. Le carré, comme le cercle, sont des figures géométriques majeures du langage symbolique. Le carré, fréquemment utilisé pour donner forme aux espaces sacrés, personnifie la manifestation divine sur terre. Le cercle, symbole de l’unité, représente quant à lui le monde céleste – l’éternité. Les anciens philosophes plaçaient d’ailleurs souvent le carré dans un cercle. Le message s’éclaire : les quatre arbres forment les piliers d’un temple où œuvrer, d’un lieu sacré placé au centre d’un monde à l’image du cosmos divin.

Quatre arbres de grande vertu

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La Dame à la licorne (détails tentures), vers 1500

Ces arbres ne sont pas choisis au hasard. Selon Platon, ils symbolisent les quatre points cardinaux mais aussi les quatre vertus cardinales que l’homme doit acquérir pour vivre dans le bien. L’oranger, qui vient d’Orient, incarne la volonté de justice ; le pin du Sud, le courage ; le houx, qui pousse à l’Ouest, la tempérance ; le chêne nordique, la force et la sagesse pour agir avec prudence. Ces arbres représentent également les quatre saisons. Pourtant, c’est en même temps qu’ils portent ici des fruits. De plus, en fonction des tapisseries, leurs places varient. Par analogie – un mode de pensée cher au monde médiéval – on peut en déduire que la Dame, pour parvenir à son unique désir, va devoir cultiver ces quatre vertus. Comme les femmes de son époque, qui ont la charge des jardins, elle connaît les cycles de la nature et le temps propice pour chaque chose. Selon le moment, la place des arbres nous indiquera laquelle de ces qualités devra plus particulièrement être déployée.

L’arbre, lien entre deux mondes

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L’arbre alchimique par J.D. Mylius, 1622 – Philosopha Reformata

L’arbre, l’un des thèmes symboliques les plus riches, se retrouve dans de très nombreux mythes et religions depuis l’antiquité. Il est axe du monde, arbre de vie ou de résurrection, arbre de la connaissance, lieu d’initiation… On l’interprète de très nombreuses manières mais il incarne toujours, quelle que soit la tradition, un symbole des rapports existants entre le ciel et la terre. En plongeant ses racines dans les sources souterraines et cherchant à hisser sa cime toujours plus haut vers les cieux, il est par essence celui qui invite à l’élévation. Mais, absorbant les fréquences provenant de la lumière pour les transformer en énergie, il peut aussi ici-bas ressourcer celui qui se relie à lui.