La Dame à la licorne œuvre à purifier son cœur. Vierge d’âme, elle tresse sa couronne de fiancée.

« L’âme est capable de saisir les choses les plus élevées sans négliger les plus basses…de par sa nature, elle va vers le haut et elle va vers le bas. Et quand elle va vers le haut, elle laisse ce qui est en bas et quand elle va vers le bas, elle n’abandonne pas les choses plus élevées » Marsile Ficin

La femme qui cherchait son âme

Si j’avais fini par comprendre que j’étais une femme habitée par des forces et des modèles contradictoires, la question du ‘’qui suis-je vraiment’’, à 28 ans, demeurait pour moi sans réponse. Réalisant que je ne faisais qu’endosser les rôles de femmes que ceux que j’aimais ou la société désiraient me voir jouer, je me mis en quête d’un féminin qui serait mien. Cherchant des réponses, je me plongeai dans des ouvrages sur l’histoire de la femme et du genre – sans me sentir, au final, vraiment mieux. Alors que je traversais une crise, lors d’un stage d’art thérapie, je reçus un nouvel appel. Lorsqu’on nous demanda de créer une œuvre incarnant notre souffrance et de la mettre en scène, je choisis de faire un masque que je portais et qui m’enchaînait. Me protégeant au départ, il était devenu ma prison ! C’est là, dans mon sommeil, que la Dame se rappela à moi. « Soulève ton masque, libère toi de tes chaînes, souviens toi que tu as une âme » me souffla-t-elle à l’oreille. Le message était clair. Femme libre aspirant à vivre selon la noblesse du cœur, il était temps pour moi de renouer avec mon âme et la spiritualité… D’elles, je le pressentais, j’obtiendrais enfin la réponse que la vie n’avait pu m’apporter.

La couronne de fiancée

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L’odorat (détails), vers 1500 , La Dame à la licorne

La Dame, en tressant sa couronne, se prépare. Radieuse mais studieuse, elle connaît sa nature véritable et mène à présent un combat qu’œillets, comme lion et licorne nous racontent.

Portée sur le cœur, la couronne de fleurs nous indique que c’est là que se joue sa bataille ; elle cherche à purifier son âme. Selon la symbolique alchimique, l’œillet rouge atteste que le feu de l’esprit agit à ses côtés ; l’œillet blanc, que ce qui est impur a bien été transformé. Le lion – figure de volonté – et la licorne – de pureté – la soutiennent fidèlement dans sa quête. Sereins, ils enserrent vaillamment la hampe de son emblème. Ils attestent de sa vertu et de son désir de s’offrir et de servir son Seigneur.

La couronne, récompense de l’épreuve, cercle sans fin comme le divin, fait de celui ou de celle qui la porte un représentant du monde céleste. Au Moyen Age, constituée d’œillets, elle est signe de fiançailles ; pour l’Eglise, d’épousailles spirituelles : elle consacre les vierges qui font vœu de s’unir à Dieu. La couronne de fleurs atteste symboliquement d’une élévation, de la victoire sur les ténèbres et le pêché qui permet le passage à un degré supérieur de développement spirituel. La Dame a donc bien gagné son combat. Qu’elle ait ou pas connu la chair, elle a le cœur purifié. Vierge d’âme, elle est prête à se fiancer.

La Dame, vierge d’âme

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Les testaments du Christ (fronticipe), Theosophische Wercke, Jacob Boehme, 1682

La Dame œuvre à purifier son âme pour qu’elle retrouve son état virginal. Mais quelle est la nature de cette âme ? Si aujourd’hui, la réponse semble pour beaucoup difficile à cerner, à l’époque des tapisseries, période dominée par la religion chrétienne et influencée par le néoplatonisme, sa nature est connue.

Chez Platon, l’âme est d’origine divine. Individuelle, elle est ce qui définit l’homme. Comme pour Homère – l’un des plus anciens auteurs à s’être intéressé au sujet – elle est de double nature, âme souffle – réalité spirituelle, substance éthérée – mais aussi âme sang – réalité concrète, principe vital. Substance mortelle selon le sang qui s‘éteint avec le corps, l’âme est également une substance immortelle qui survit et voyage dans l’au-delà. L’Homme peut donc se définir à la fois comme personnalité naturelle mortelle et être spirituel immortel. L’âme, de par cette double nature, se présente donc comme l’intermédiaire naturel entre le corps et l’Esprit, l’âme immortelle pouvant transmettre au corps ses suggestions. Pour Platon, l’âme a pour vocation de se détacher progressivement du corps pour atteindre l’universel. Toute quête, comme celle de la Dame, vise donc à éveiller de son vivant l’âme immortelle endormie afin de rétablir la liaison avec l’Esprit.