Lion et licorne servent la Dame sans relâche. Couple royal, principes de l’œuvre, ils agissent à présent en harmonie, unis et reliés à l’Esprit.

 « Le rôle de la femme n’est pas de demander à l’homme de rester auprès d’elle, de faire couple et d’avoir des enfants avec lui. Son rôle est de lui tendre un miroir et de l’inviter à se hisser jusqu’au plus beau, au plus rare de lui-même ; d’être celle qui murmure qu’il doit se mettre au monde et découvrir en lui cet être de lumière qu’il est fondamentalement ; de lui rappeler sans cesse qu’il ne doit pas oublier son âme » Jacqueline Kelen

Avec l’autre

Ces dernières années, la parution d’ouvrages à succès sur l’homme et la femme a mis en lumière la nature distincte de chacun des deux sexes. Pour s’épanouir, la femme ressent avant tout le besoin d’être aimée et d’aimer ; l’homme, d’être valorisé pour ses actes. Elle a besoin de sécurité, lui de liberté. Elle impulse l’idée, il donne forme. De ces polarités inversées naît et perdure une mutuelle attraction mais de leurs profondes différences jaillissent aussi souvent l’incompréhension et la souffrance. Au début d’une relation, l’amour nous aveugle. L’être aimé est idéalisé. Nostalgique de l’union originelle, on le croit capable de nous apporter tout ce qui semble nous manquer. Mais lorsque l’ivresse des sentiments amoureux et le feu des désirs sexuels s’altèrent, il apparaît selon sa nature profonde. S’offrent alors plusieurs possibilités : l’accepter ; se mettre à lutter pour le transformer selon l’image souhaitée ou chercher quelqu’un d’autre. J’ai moi aussi longtemps essayé de retrouver à l’extérieur l’autre partie de moi-même puis, comme la Dame, je me suis mise en chemin. Comprenant que je ne pouvais demander à autrui ce qu’il ne peut offrir, c’est en moi que j’ai cherché à retrouver ce qui me manquait. Cela m’a aidée à m’accepter et à vivre plus harmonieusement avec le sexe opposé. J’ai arrêté d’en vouloir à l’homme d’être ce qu’il est. Masculin et féminin sont par nature faits pour collaborer et fusionner mais, pour celui qui aspire à l’Amour que Dieu seul peut donner, il est important de comprendre sur quelle base réelle cette union doit s’opérer.

Lion et licorne œuvrant en harmonie

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La Dame à la licorne, A mon seul désir (détails), vers 1500

La licorne et le lion, les yeux tournés vers la Dame, œuvrent à la servir. Concentrés sur leurs tâches, ils veillent à maintenir la tente entrouverte tout en portant haut et fort les armoiries de leur maîtresse. Dans la scène précédente, la licorne se comportait d’une manière toute nouvelle. Cette fois, c’est au tour du lion. Touché à son tour par le Souffle qui agite son étendard, il rugit et laisse apparaître la langue, manifestant sa toute puissance. Mais, posé et sans cape d’arme, il semble à présent agir sans lutter, en connaissance. La force qui le traverse l’a transformé ; il a gagné en maturité.

Dans La nature et ses symboles, Lucia Impelluso écrit que le lion dans l’Antiquité possède le pouvoir de ressusciter de son souffle après trois jours sa portée de petits morts-nés. Le bestiaire chrétien, à l’image de Jésus-Christ, en fait un symbole de la Résurrection ; la licorne, celui de l’Annonciation. En Alchimie, on retrouve, de même, ce couple royal symbolisant le double principe d’incarnation de l’esprit dans la matière et de dissolution de la matière par l’esprit. C’est là le sens du fameux axiome ‘’solve & coagula’’ considéré comme la clé du Grand-Œuvre. Au sens de l’être, le lion, soufre alchimique, principe solaire masculin, incarne la volonté d’action de la Dame ; se tenant à sa droite, sa raison. La licorne, mercure alchimique, de nature lunaire et féminine, placée à sa gauche, nous enseigne pour sa part sur la pureté, la bravoure et la loyauté de son cœur. Arrivés à cette étape de l’initiation, licorne et lion – cœur et raison – ont tous deux été renouvelés. Reliés à la tente de l’Esprit, ils agissent à présent en unité, selon sa volonté. La langue du lion se fait ainsi l’instrument de la Parole ; elle peut manifester le Verbe. Ce que Paul désigne, dans la première épitre aux Corinthiens, le don des langues afin que chacun puisse, le moment venu, comprendre.

Masculin et féminin au service de l’œuvre

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Atalante Fugitive, emblème XXIII (détail), M. Maier, 1618

Depuis le début de l’histoire, la Dame semble affronter seule les épreuves, sans homme à ses côtés. Pourtant, pour se préparer à ses noces sacrées, elle n’a jamais cessé de s’appuyer sur ses deux fidèles compagnons, la licorne et le lion. Tout alchimiste éprouve comme chacun un manque fondamental mais il sait qu’il possède en lui un être endormi : l’androgyne. C’est pourquoi il ne cherche pas chez une autre personne la polarité qu’il désire retrouver ; c’est en lui qu’il l’éveille pour s’unir à l’Esprit. Il sait que, s’appuyant sur les principes masculin et féminin qui l’animent, il pourra, par lui, le ramener à la vie.

La gnose hermétique enseigne que chaque polarité œuvre différemment avec l’Esprit. La femme établit la liaison par le cœur. Cela étant, elle aide l’homme, en l’inspirant, à s’ouvrir à lui. De par sa nature, c’est par sa raison qu’il peut le recevoir. La conscience éveillée, il cherche alors à réaliser ce qu’il a perçu, poussé à l’action par une volonté régénérée. Il amène la femme à penser à son tour par l’Esprit, dans le cœur, pour qu’elle puisse, elle aussi, agir par lui. Sans cette force masculine lui donnant l’impulsion, son énergie féminine resterait en sommeil. Ainsi, lorsque l’âme s’unit à l’Esprit, la fusion entre féminin et masculin – entre cœur et raison, s’opère. Cette collaboration consciente entre un homme et une femme n’a rien à voir avec l’attraction mutuelle ordinaire. L’union consentie ne cherche plus à fondre deux individualités l’une dans l’autre, mais à contribuer à la renaissance de l’homme originel présent en chacun. C’est pourquoi, elle ne peut se nouer qu’entre deux âmes prêtes aux noces sacrées. Celui qui, comme la Dame, parcourt seul son chemin, peut en éveillant en lui le principe opposé, pareillement s’y préparer.