La Dame à la licorne est une femme de grande vertu. Elle incarne l’éternel féminin.

« L’éternel féminin nous attire vers le haut » Faust – Goethe

De la nature du féminin

Ma mère, même si peu présente, fut pour moi un réel exemple. Partie de rien, elle prit très jeune son destin en main, à une époque où la femme se devait encore de demeurer sous la tutelle de son père ou de son mari. Pour conserver son autonomie, elle travailla dur toute sa vie sans pourtant jamais renier son rôle d’épouse ou de mère. Faisant fi des modèles extérieurs, se fiant à son ressenti, elle trouva, sans même lutter ou revendiquer, son identité de femme. Généreuse, elle fit toujours passer les autres avant elle – ses proches comme ses relations d’affaires. Rayonnante et joyeuse, elle accueillait avec chaleur tous ceux qui l’entouraient, tentant de comprendre et d’aider sans jamais juger, même ceux qui la blessaient. Donnant beaucoup d’amour, elle en reçut également énormément en retour. En l’observant, j’appris sur la nature réelle du féminin ; sur la noblesse de cœur et les vertus de l’âme. Elle m’enseigna plus que toute autre le don de soi, le dévouement, la pureté, l’intelligence du cœur et la force de l’amour désintéressé pour tous.

Une Dame de grande vertu

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L’odorat (détails), La Dame à la licorne, vers 1500

La Dame se présente sur une ‘’île jardin’’, coupée du monde. Au Moyen Age, on représente souvent la Vierge Marie et la Dame courtoise dans un jardin clos. Il se nomme l’hortus conclusus et l’on y trouve des fleurs associées au paradis ou à la Vierge. Il personnifie généralement les vertus attribuées à ces femmes : la pureté et la fécondité. Dans cette scène, deux fleurs nous apportent plus de détails sur la nature de la Dame. Il y a d’abord l’œillet, que l’on retrouve sur sa ceinture, la fibule et la couronne qu’elle s’applique à tresser. Puis, la grenade, dont le motif orne la robe.

En langage des fleurs, l’œillet incarne l’amour. Dans l’iconographie chrétienne, il est souvent offert par la Vierge Marie à l’enfant Jésus. Au XVème siècle, on le considère comme un symbole de fiançailles ; c’est à dire d’engagement et de dévouement total à celui à qui on le destine. La grenade associée à la Vierge, est un signe de chasteté et de fertilité. Dans la mystique chrétienne, St Jean de la Croix la considère même comme une représentation ‘’des plus hauts mystères de Dieu’’ car elle peut aussi incarner la résurrection du Christ à venir. La Dame de grande vertu semble donc se préparer à ses fiançailles.

L’agneau blanc à ses pieds nous confirme qu’elle possède bien l’innocence, la patience et l’humilité nécessaires à toute promise aux noces sacrées, « les noces de l’agneau » dont nous parlent l’Apocalypse comme de nombreux mystiques chrétiens. Symbole de la passion christique, la bête nous témoigne de même de son désir de s’engager et de donner. Tel Jésus le Sauveur, la Dame à la licorne accepte de se sacrifier, au sens originel et sacré du terme : elle s’offre à Dieu.

De la nature de l’éternel féminin

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Le jardin du paradis, vers 1410 – Maître du jardin du paradis – wikimedia commons (domaine public)

La Dame, femme belle et mystérieuse, emprunte au fil de l’histoire de multiples visages. Elle n’est pas une figure historique mais allégorique qui incarne toutes les vertus de l’éternel féminin.

Depuis l’instauration d’un Dieu Père, nombreux sont les hommes qui ont tenté de définir la femme au travers d’un modèle unique, propre au genre. Mais ce dont il est question ici est d’une autre nature. Comme Goethe l’a mentionné, il s’agit non pas d’un archétype féminin dénaturé mais de l’éternel féminin. Les dames de Sagesse, depuis la nuit des temps, personnifient ce féminin sacré. Qu’elles se nomment Isis, Vierge Marie ou Dame aux Roses de la chevalerie courtoise, toutes témoignent de mêmes vertus : la pureté, un dévouement inébranlable à servir le divin, un amour universel et une intelligence intuitive du cœur. Se présentant sous des noms différents à travers l’histoire et les arts, elles sont guérisseuses des corps et de l’âme : prophétesses ou muses pour inviter l’homme à s’élever ; vestales, gardiennes du feu ou de la source pour tenir à la disposition de celui qui aspire la force et la connaissance nécessaires à toute quête ; déesses mères, protectrices rayonnantes offrant par leur amour l’espace et le temps nécessaires à chaque transformation. Toutes, depuis la nuit des temps, témoignent du même mythe lunaire : le retour à la vie après un cycle de gestation qui s’opère dans la matière ; le réveil de la lumière endormie du croissant naissant qui amène l’Homme à croître et renaître céleste, lorsque la lune est pleine. La Dame, comme la Vierge, Isis ou Demeter avant elle, porte le bleu du ciel et de la mer – la couleur des grandes déesses lunaires. Arborant trois croissants de lune pour emblème, elle incarne à son tour le mythe d’une renaissance qui s’accomplit au cœur de la nuit.